Note de lecture


Macroéconomie financière (2 tomes)
Michel Aglietta (2001)

Pourquoi Michel Aglietta a-t-il ajouté un second tome à son “Macroéconomie financière” ? Pour qu’il soit encore meilleur ! Et ça marche. Les premières éditions de ce livre étaient déjà intéressantes. La problématique d’Aglietta, en deux temps, consiste à mettre en avant l’articulation de l’activité financière (en particulier ses mutations institutionnelles récentes) avec la croissance économique, puis à analyser les problèmes que cela pose en termes de politique monétaire. Cette approche est très pertinente et donne un résultat exemplaire : une réflexion économique intelligente sachant faire table rase des clivages idiots entre théorie néoclassique (au sens large, rationalité et équilibre, pour faire court) et ce que l’on pourrait appeler une “autre économie”. La nouvelle mouture garde évidemment cette approche féconde faite d’intuitions keynésiennes et d’analyse institutionnaliste. Au delà, elle apporte deux éléments supplémentaires : elle actualise et complète la réflexion initiale et elle rend le texte un peu plus accessible au commun des mortels. Concernant ce point, il est clair que la toute première édition, si elle était solide, ne détaillait pas toujours très longuement les mécanismes évoqués. Ce qui était surprenant pour un ouvrage paru dans une collection généralement orientée vers la vugarisation. Et soyons franc : cela ennuyait le paresseux que je suis, obligé qu’il était de reconstituer tout seul une grande partie des raisonnements implicites. L’édition courante remédie en grande partie à ce problème. Néanmoins, le texte reste dense et le besoin de relire certains passages pour mieux les retenir ne manquera pas de saisir de nombreux lecteurs.
Que trouve-t-on concrêtement dans ces deux remarquables tomes ? Le premier montre en quoi la finance n’est pas neutre pour l’économie réelle. Pas neutre lorsqu’il s’agit d’étudier les structures des systèmes financiers qui favorisent ou non la croissance. Pas neutre lorsque les mouvements financiers qui naissent dans un monde de finance libéralisée sonnent le retour des cycles économiques issus des secousses financières.
Dans le second tome, Aglietta se concentre sur les questions de crises financières et de politique monétaire. Avec comme toile de fond le risque systémique, il analyse la nature des premières et expose les moyens dont dispose la seconde pour les circonscrire. Clairement, on n’est pas dans une logique de régulation monétaire basique. Pas question de se contenter d’agir sur un agrégat monétaire ou sur des taux d’intérêt de façon “dillétante”. Aux côtés de l’objectif usuel de maintien de la valeur nominale de la monnaie, c’est l’architecture des systèmes financiers qui est en jeu, le contrôle prudentiel des marchés et des organismes financiers, les moyens de garantir la continuité du financement de l’économie et du système de paiements. L’auteur étudie longuement la logique des régimes monétaires contemporains, revient sur l’alternance des périodes où la monnaie est tantôt endogène, tantôt exogène, en faisant émerger ce qui distingue et caractérise ces situations. Faisant écho à l’excellent petit ouvrage d’Alan Blinder, “Central Banking In Theory And Practice”, d’ailleurs cité, Aglietta montre que la pratique de la plupart des banques centrales est largement plus riche que ce que les débats académiques laissent à penser.
Ce livre est donc un essai, présentant une conception particulière et synthétique des questions monétaires et financières. Il est destiné à un public large, mais néanmoins motivé. Du travail de qualité en tous les cas.
Stéphane Ménia
13/03/2001

Michel Aglietta, Macroéconomie financière (2 tomes). , La découverte, 2001 (chaque tome, 7,55 €)

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