Note de lecture


La réforme des systèmes de santé
Bruno Palier (2011)

Un système de santé est une organisation de la rencontre entre offre et demande de soins. Son efficacité s’évalue selon quatre axes : l’égalité d’accès aux soins, la qualité des soins, le niveau des dépenses et la liberté des acteurs du système. Chacun de ces éléments apporte en effet soit de l’utilité aux acteurs du système, soit garantit que les ressources sont efficacement utilisées. L’ennui, c’est que ces quatre buts entrent régulièrement en conflit. Plus de liberté accordée aux patients conduit à plus de dépenses, dont beaucoup sont inutiles. A l’inverse, moins de liberté peut parfois – parfois seulement – réduire la qualité des soins et le niveau des indicateurs de santé courants (espérance de vie, mortalité infantile ou diverses mesures de mortalité après les soins reçus).Egalité d’accès aux soins et liberté des acteurs peuvent ne pas faire bon ménage, non plus.

Le livre de Bruno Palier traite de cette quadrature du cercle. Il montre comment les systèmes de santé se sont développés au cours du vingtième siècle et sont tous soumis depuis les années 1970 à la nécessité de se réformer. Historiquement et socialement construits, ils ont tendu à se partager à travers le monde en trois formes d’idéal types. Les systèmes de santé nationaux, qui fonctionnent comme des services publics de la santé, ont une vocation universelle en couvrant l’ensemble de la population, au travers d’un financement basé sur l’impôt. Les acteurs de la santé y disposent d’une liberté modérée, aussi bien du côté des soignants dont la liberté de choix du praticien et des actes est encadrée que du côté des soignants, souvent salariés pour ce qui est des médecins, par exemple. L’accent est mis sur la prévention. La Grande Bretagne ou la Suède peuvent être cités en exemple. Les systèmes d’assurance maladie, dont France et Allemagne sont des représentants, reposent sur une couverture financée par cotisations sociales, donc moins universelle à la base. Les acteurs y sont plus libres que dans les systèmes nationaux de santé et subissent moins de files d’attente pour certains soins, au prix de dépenses globalement plus élevées. Enfin, les systèmes libéraux de santé reposent sur une offre entièrement privée et un financement individuel (souvent par les employeurs). Les dépenses publiques de santé se réduisent au minimum, couvrant les situations les plus critiques de grande urgence, d’invalidité, les personnes âgés ou parmi les plus pauvres. L’égalité dans l’accès aux soins y est très faible et des situations d’excellence médicale y cotoient un degré de couverture limité pour une part non négligeable de la population. Les Etats-Unis osnt l’archétype de ce type de système, qu’on rencontre aussi dans certains pays sud américains ou en Europe centrale.

L’auteur montre que chaque système produit des performances contrastées selon les critères d’évaluation du système et que, fondamentalement, il n’existe pas de système meilleur que les autres, du moment qu’on y intègre certains mécanismes de correction propres aux autres. Il montre que le systèmes qui ont amélioré leurs performances au cours des deux dernières décennies sont ceux qui ont pris en compte les défauts initiaux et n’ont pas hésité à s’écarter de leur fonctionnement générique. Des systèmes de santé nationaux ont ainsi oeuvré pour plus de souplesse dans la gestion des files d’attente, améliorant la qualité des soins et la liberté des acteurs sans pour autant voir les dépenses exploser . Les systèmes d’assurance maladie ont un peu réduit la liberté des individus pour éviter la multiplication erratique des actes et emprunté au système libéral la logique des franchises, afin de soulager les finances publiques et tenter de corriger la tendance à la surconsommation médicale. La généralisation de dispositifs de couverture universelle (type CMU) relève aussi de l’emprunt aux systèmes nationaux de santé. Aux Etats-Unis, la réforme du système de santé voulue par Barack Obama va également dans ce sens.

Au travers de cette problématique, le livre couvre bien les enjeux des systèmes de santé. Bruno Palier adopte une approche largement institutionnelle, politique et historique. Les références à des mécanismes plus économiques ne sont pas absents pour autant, loin de là. Mais l’auteur ne focalise pas dessus. Pour une analyse plus fondamentalement économique (mettant en avant les questions d’asymétrie d’information, par exemple), on se tournera vers d’autres sources (comme cet opuscule CEPREMAP de Pierre-Yves Geoffard, cet autre opuscule de Brigitte Dormont. Pour une synthèse, voir le chapitre 3 de Nos phobies économiques, “Me soigner devient un luxe”). La réforme des systèmes de santé est donc un petit ouvrage de synthèse très complet (à noter : cette édition est très récente, de sorte qu’elle couvre les dernières réformes françaises) mais rédigé avec une problématisation qui le rend d’autant plus pertinent.

Stéphane Ménia
08/03/2012

Bruno Palier, La réforme des systèmes de santé. , PUF, 2011 (8,55 €)

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